1 Avril 2022

GRACE, le cinquième retraitement complet des données gravitationnelles est en ligne

La surveillance gravitationnelle continue de la Terre présente un intérêt scientifique majeur. Le CNES participe aux procédures de traitement pour extraire un maximum d'information dans le cadre du pôle Terre solide ForM@Ter.

Les missions germano-américaines GRACE et GRACE Follow-on démontrent depuis 2002 l'intérêt scientifique majeur d'une surveillance gravitationnelle continue de la Terre. 

Ces missions, en mesurant les variations temporelles du champ de gravité terrestre, permettent en effet le suivi des transferts de masse en surface et à l'intérieur de la Terre. La plus grande part de ces transferts concerne l'eau sous sa forme solide, liquide ou gazeuse, avec des retombées scientifiques majeures dans les domaines de l'hydrosphère, de la cryosphère, du climat, de l'océanographie et de la géodésie

On observe également d'autres phénomènes géophysiques comme par exemple le rebond postglaciaire (la lente relaxation viscoélastique de la Terre dont le mouvement, débutant il y a 10000 ans à la fin de la dernière glaciation, se poursuit encore aujourd'hui) ou la signature gravitationnelle des grands séismes, comme ceux de Sumatra en Indonésie en 2004, de Concepción au Chili en 2010 ou de Tōhoku au Japon en 2011.

Séisme de Sumatra du 26 décembre 2004 :

a) localisation des séries temporelles rouges et vertes.

b) le séisme vu par les données GRACE, exprimé en anomalies de gravité.

Le principe de fonctionnement des missions GRACE et GRACE-FO est de mesurer de façon continue, avec une précision meilleure que le micromètre, les variations de distance entre deux satellites identiques co-orbitant sur une orbite polaire basse (450 km d'altitude). Les satellites se suivent sur cette orbite avec une séparation moyenne de 200 km. Les subtiles variations de distance entre les deux satellites renseignent sur les masses survolées et sur l'évolution de leur distribution. 

La mission GRACE, lancée en 2002, emportait comme instrument principal un instrument radioélectrique de mesure de la distance inter-satellites délivrant une précision meilleure que le micromètre sur un temps d'intégration de 10s.

GRACE-FO, lancée en 2018, emporte également, à titre expérimental, un interféromètre laser (au fonctionnement parfait depuis le lancement) qui améliore cette précision jusqu'à une vingtaine de nanomètres. Les autres instruments à bord de ces satellites sont des récepteurs GPS, des capteurs stellaires d'attitude et des accéléromètres électrostatiques ultra-sensibles fournis par l'ONERA.

Rôle des accéléromètres ONERA : les accéléromètres Super Star fournis par l’ONERA au JPL permettent de mesurer la traînée résiduelle des satellites (ie le freinage dû à l’atmosphère résiduelle qui subsiste en orbite basse). La connaissance de cette traînée parasite est la garantie de la précision des mesures gravimétriques de Grace.

Les différentes équipes scientifiques impliquées dans le traitement des données gravitationnelles, équipes européennes, américaines et chinoises, améliorent en permanence leurs procédures de traitement pour extraire le maximum d'information des données. 

Le CNES participe à cet effort en calculant pour la communauté scientifique des solutions mensuelles et décadaires du champ de gravité de la Terre. Le cinquième retraitement complet des données GRACE et GRACE-FO a été réalisé grâce au soutien financier du CNES dans le cadre du pôle de données et de services Terre Solide ForM@Ter.

Résultats CNES :

La vidéo suivante présente, en projection cylindrique et polaire, les anomalies de masse positives (en rouge) et négatives (en bleu), variant au fil du temps.

Outre l'oscillation annuelle des réserves d'eau dans les zones tropicales, on remarque au fil du temps la disparition progressive de la masse glaciaire sur l'Alaska, sur le pourtour du Groenland et dans la partie côtière ouest de l'Antarctique, tandis que le rebond postglaciaire apparait comme une tache rouge croissante sur une grande partie du Canada, au centre du Groenland, sur la Scandinavie et dans certaines zones de l'Antarctique.

Un autre site web, géré par Stellar Space Studies pour le compte du CNES toujours dans le cadre ForM@Ter, permet de comparer les séries des différentes équipes entre elles.

 

Séries temporelles des solutions GRACE/GRACE-FO sur l'Islande, exprimées en hauteur d'eau. 

En rouge : la série CNES/GRGS RL05 ; en vert : la série ITSG18 de l'Université Technique de GRAZ (TUGRAZ)

L’Islande constitue un site intéressant de validation des solutions gravimétriques. C’est un territoire de faible surface (103 000 km2), isolé au milieu de l’Atlantique Nord, affecté d’une importante perte de masse glaciaire sur les 20 dernières années et d’un signal annuel de dépôt de neige non négligeable. Ce territoire représente donc un challenge pour les solutions gravitationnelles, dont le handicap majeur est leur faible résolution spatiale (250 à 300 km maximum). 
Les courbes ci-dessus montrent que la solution RL05 du CNES (en rouge) récupère beaucoup plus de signal, pratiquement un facteur 2, que la solution ITSG18 de TU Graz (en vert), aussi bien en ce qui concerne la tendance que le signal annuel.

Le CNES contribue enfin – en tant que Centre d'Analyse et Centre de Validation – au nouveau service international de combinaison des modèles du champ de gravité variable COST-G (Combination Service for Time-variable Gravity Fields) de l'IGFS (International Gravity Field Service) de l’IAG (International Association of Geodesy). 

Pour accéder au site : Welcome to COST-G 


Informations fournies par : Jean-Michel Lemoine - Responsable du centre d’analyse des données GRACE - DTN/CD/GS

Laboratoire « Géosciences Environnement Toulouse » (GET) de l’Observatoire Midi-Pyrénées (OMP) / UMR 5563 - Bureau H143